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Photo du rédacteurCharles-Philippe Mourgues

La République, par-delà les communautarismes

Notre Nation reste notre boussole. Notre pays doit se souvenirs et assumer le fruit de ses batailles passées. C’est la condition du réarmement moral d’un pays divisé dont 60 à 75 % des habitants sont désormais convaincus qu’il est en déclin.


Lutter contre le déclin de la France passe aussi par un devoir de souvenir : celui des fondamentaux de son identité. Celle notamment issue de la construction républicaine née sur les cendres de la Révolution française voilà deux siècles de cela. « Liberté, égalité, fraternité ». Ce ne sont pas seulement des mots ou des valeurs. Ce fut le cri de ralliement d’un peuple qui décida alors de prendre son destin en main. Cette devise que nous apprenons dès notre enfance, nous en ignorons trop souvent le sens profond. Simple et pourtant fondateur de la République une et indivisible. Si nous avons tous une idée de ce qu’est la liberté, l’égalité ou encore la fraternité, les attaques répétées contre les idéaux de notre pays ont conduit un nombre important de nos compatriotes à travestir le sens ces termes.

Sans démagogie ni esprit de renoncement, nous devons retrouver le sens premier de notre devise, le sens classique et historique des mots de liberté, d’égalité et de fraternité, qui a été perverti par les excès du débat public.

Un effort de définition s’impose pour ne pas tomber dans le risque pointé par Friedrich Nietzsche : « Encore un siècle de journalisme, et tous les mots pueront. »


Retrouver le sens originel de notre devise


Qu’elles soient démagogiques, identitaires, ou encore issues de l’idéologie soixante-huitarde, la remise en cause de la conception républicaine passe aussi par une remise en cause des mots qui sont à l’article 2 de notre Constitution. La liberté devient donc permissivité : elle devient une excuse idéale pour bon nombre d’excès et d’abus. L’égalité se mue en égalitarisme : au motif d’atteindre cet objectif, nous sommes amenés à considérer que la discrimination positive doit devenir la règle quitte à traiter de moins en moins également les citoyens. Enfin, la fraternité finit par s’entendre comme étant de l’assistanat : il devient tellement intolérable de laisser qui que ce soit au bord du chemin que l’aide de la société devient considérée comme un dû sans être assorti d’obligations.


Ces changements de définition sont graves. Ils renversent l’équilibre entre les droits et les devoirs de chaque citoyen. Ils installent l'idée que la France doit tout sans contrepartie.

Que ceux, nés en France ou ayant fait le choix d’y habiter, qui ont la chance de vivre dans un pays permettant de bénéficier d’une éducation gratuite, laïque et obligatoire, d’un système de soins généreux, d’institutions stables et d’une économie robuste ont pour principal droit celui d’en profiter et non d’y contribuer.

Pourtant, lutter contre le déclinisme et rétablir l’équilibre du pacte social républicain passe par la nécessité de se souvenir non seulement du sens des mots de notre devise, mais aussi de son sens profond, de la construction de l’idéal vers lequel il cherche à tendre. En effet, qui s’est déjà demandé pourquoi notre devise s’exprime dans l’ordre liberté, égalité et enfin fraternité ? Pourquoi ne pas l’ouvrir par l’égalité des droits ? Ou par la concorde recherchée entre les Hommes qu’est la fraternité ?


Retrouver l’équilibre entre droits et devoirs

Il y a une raison véritable qu’il faut rappeler – marteler même – pour comprendre notre devise si solidement ancrée. Il ne saurait y avoir de fraternité sans égalité préalable, laquelle ne peut émerger dans une société sans liberté. Notre devise s’inscrit dans une évolution qui, si elle peut aujourd’hui sembler naturelle, n’est jamais totalement acquise.


Vivre dans une société libre n’est pas un exercice simple. L’exercice de la liberté n’est pas inné. A ceux qui estiment que notre République n’est pas libre, nous leur disons : voyez ce que cela est de vivre dans une dictature ou dans un des nombreux pays où la liberté d’expression peut vous conduire en prison voire pire. La liberté de chacun s’arrête aux portes de la liberté d’autrui ; si nos lois régissent nos libertés en recherchant un équilibre entre leur exercice et leurs limites, c’est parce qu’il existe des lois qu’une société ne vire pas à l’anarchie. Et c’est parce que l’exercice de nos libertés doit se faire de manière respectueuse qu’il est possible de donner les fondements à une société propice à l’égalité.


Il n’est pas concevable de vivre dans une société garante de l’égalité des droits, si nous n’avons pas appris correctement à exercer les libertés qui sont les nôtres. Il ne saurait y avoir de respect de l’égalité si nous ne sommes pas capables de respecter les libertés d’autrui et ce qui constitue sa dignité en tant qu’être. C’est une fois ce premier exercice réussi qu’une société peut concevoir l’égalité de chacun. Egalité en droits et en libertés tels que conférés par la loi, sans distinction de naissance ou de condition.


C’est, et seulement à cette condition, parce qu’une société permet à ceux qui y naissent d’être libres et égaux en droits qu’elle peut tendre vers la fraternité. Née de l’aspiration à la liberté et dirigée par une cause commune (l’égalité des droits), la fraternité peut alors émerger. La devise Liberté, Egalité, Fraternité est donc un apprentissage concentrique, progressif, et par étapes. Vouloir envisager une quelconque forme de concorde au sein de la République sans avoir acquis l’apprentissage de la liberté et le respect de l’égalité des droits comme socle fondateur est illusoire.


Nous devons rappeler non seulement le sens des termes de notre devis mais aussi le sens de cette construction, devenue officielle en 1848 puis inscrite dans la Constitution de la Vème République que tant cherchent à déconstruire. C’est en comprenant mieux le sens de cette devise que nous pourrons plus efficacement lutter contre les attaques insidieuses contre la République.


La Nation, par-delà les communautarismes


Le communautarisme, quelle qu’en soit la forme (woke, identitaires, racialistes, religieux…), en est un exemple : en considérant que les seuls « frères » sont ceux de la communauté, la fraternité, loin d’être universelle, devient sélective. Ce faisant, il n’y a plus d’égalité des droits, seulement des droits à géométrie variable dont seuls ceux respectant certains préceptes religieux sont enclins à en être dépositaires. Mécaniquement, et dans la vie courante, l’exercice de la liberté se restreint alors au profit de ceux qui ne sont pas dans la conception de la fraternité que des communautés tentent d’imposer.

Notre devise traduit à merveille cet esprit vivace et critique que les autres nations nous ont tant envié dans un passage de l’Histoire de notre pays : celui d’une construction intellectuelle immuable et garante de l’identité pour laquelle notre Pays s’est soulevé en 1789.

« La meilleure façon de servir la République est de redonner force et tenue au langage » (Francis Ponge). Tentons de ne pas l’oublier pour que la construction de notre devise ne devienne pas qu’une simple incantation.


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