Les syndicats au cœur de l'économie
Dernière mise à jour : 22 août 2021
Les syndicats de salariés préservent une législation rigide au détriment des « outsiders » du marché du travail. Il faut autoriser la création d'un syndicat de chômeurs et assimilés pour enfin leur donner une voix.
Le chômage de masse est en France rentré dans la normalité. La résolution du gouvernement et du président de la République à obtenir des « résultats d'ici cinq ans » est salutaire. Mais la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » qui entre en débat parlementaire, souffre de la même tare originelle que toutes celles qui l'ont précédée, elle n'inclut d'aucune manière les principaux intéressés : les chômeurs !
La France souffre d'une hypocrisie atavique dans sa lutte contre le chômage de masse. Derrière le discours pusillanime de lutte, l'Etat renonce à modifier la situation acquise des détenteurs d'emplois stables (80 % des salariés) aux dépens de ceux qui n'en ont pas. Emmanuel Macron concède même que « la France est la seule puissance économique européenne qui n'a pas gagné la bataille contre le chômage de masse ». Le timide rattrapage actuel n'affronte pas les causes fondamentales du chômage de masse, pourtant la première préoccupation des Français depuis 2006 d'après l'Insee.
La France souffre d'une hypocrisie atavique dans sa lutte contre le chômage de masse.

"Insiders" contre "outsiders"
L'Etat est incapable de réduire durablement le chômage en France. Depuis 1983, le taux de chômage de notre pays n'est pas retombé sous la barre des 7 %. La fragile diminution récente (9,2 % des actifs), est portée par une conjoncture mondiale menacée. Le chômage chronique a eu par effet dit « d'hystérèse » comme conséquence un chômage presque entièrement structurel en France.
Ces dix dernières années, près de 90 % des embauches se sont faites en contrat à durée limitée (CDL), un constat de dualité du marché du travail : entre ceux qui disposent déjà d'un emploi stable (les « insiders ») et les autres (les « outsiders »). Les « insiders » préservent une législation rigide au détriment des « outsiders ».
En préférant sécuriser leur emploi, les « insiders » et leurs syndicats alimentent un taux de chômage plus élevé et, si l'on en croit la courbe de Phillips, une stagnation des salaires. L'incurie de l'Etat à réduire le chômage est donc essentiellement politique. Pour abaisser durablement le chômage, il faut passer d'une logique de protection de l'emploi à une logique de protection du citoyen.
Actionner deux leviers
Qu'à cela ne tienne, changeons de méthode ! Cette impasse politique peut être dépassée en actionnant deux leviers. Tout d'abord, renforcer la représentativité des syndicats par le vote ou l'abrogation partielle de l'extension des accords de branche. Les syndicats ne représentent aucunement les personnes en CDL (syndiquées à 1 %), ni le nouveau « cybertariat » (les « prolétaires du numérique » des plates-formes) ni les indépendants ou chômeurs.
Ensuite, intégrer les « outsiders » au sein des partenaires sociaux contrebalancera naturellement, selon l'économiste Jacques Rueff, le salaire d'équilibre au bénéfice des sans-emploi.
Donner une voix aux chômeurs permettrait de redonner une perspective.
Des syndicats représentatifs de la population auront sans doute l'audace de « créer de nouveaux emplois, ouvrir le marché aux jeunes, laisser le marché ouvert aux gens de plus de 50 ans grâce à un nouveau contrat unique, plus flexible que le CDI », comme le prône Jean Tirole, le prix Nobel d'économie 2014. Donner une voix aux chômeurs permettrait de redonner une perspective aux plus de 4 millions de personnes, injustement taxées de fainéantise et exclues de l'emploi.
Guérir le dialogue social
Voilà qui pourrait guérir le dialogue social en France, car remettre les partenaires sociaux au centre de la négociation contribue au bon fonctionnement de l'économie. Ce syndicat de chômeurs et assimilés, contribuerait à même hauteur que les partenaires sociaux patronaux et salariés.
Son mandat et sa composition pourraient être définis par la consultation des inscrits à Pôle emploi ou élargie aux 5 % d'actifs non comptabilisés comme chômeurs. Il suffirait de modifier l'article L2131-2 du Code du travail pour étendre la liberté de se constituer à un syndicat de chômeurs.
Pourtant, les projets de réforme actuels, légats du jacobinisme, proposent une gouvernance de l'Etat par « lettres de cadrage ». Or, la liberté de choisir son avenir professionnel c'est d'abord la liberté d'accéder à l'emploi. Ayons le courage de ne pas reproduire les erreurs passées et de faire porter par la France une innovation mondiale qui crée un nouveau contrat social.