Pour être indépendante, l’Europe doit s’inspirer de Napoléon !

« Lorsque la Chine s’éveillera, le monde tremblera. » Cette parole que Napoléon aurait prononcée en 1816 est emblématique de la prescience avec laquelle il voyait évoluer le monde. Or aujourd’hui, la Chine s’est réveillée.
En l’espace de vingt ans, la Chine a ravi la place de numéro deux qu’occupait l’Union européenne juste derrière les Etats-Unis. La crise du Covid a accéléré la dynamique, mettant le monde dans la dépendance de la Chine qui concentre 30 % de la production manufacturière globale. « En cas d’épidémie ou de guerre, un pays sans industrie peut-il être considéré comme puissant ? » interroge le général Qiao Liang dans la revue Conflits en mai 2020. La question dit tout de la stratégie chinoise.
Napoléon voulait un destin commun à l’Europe, pour la gloire de la France mais également pour faire face aux grandes puissances comme la Russie, le Royaume-Uni et demain à la Chine. « L’Europe sera unie ou elle sera cosaque » disait Napoléon, qui a épuisé ses troupes dans la campagne de Russie. Il est bien clair que l’empire napoléonien était spoliateur pour l’Europe, concentré sur les intérêts français et que les guerres impériales (et révolutionnaires) ont amené la mort d’un million de français et d’un million et demi d’européens. Il a épuisé le continent dans la guerre. La leçon que l’Europe doit tirer de l’héritage napoléonien, est qu’elle est vouée à être effacée du jeu international si elle ne retrouve pas l’idée de puissance.
Napoléon avait doté effectivement l’Europe des instruments de la puissance. Au plan militaire, il avait conçu la « Grande armée » comme une armée continentale de 700 000 hommes, qui a compté jusqu’à 23 % d’étrangers venant aussi bien de l’Italie, que de la Hollande mais aussi de ce qu’est aujourd’hui l’Albanie ou la Croatie.
La leçon que l’Europe doit tirer de l’héritage napoléonien, est qu’elle est vouée à être effacée du jeu international si elle ne retrouve pas l’idée de puissance.
Au plan économique, la politique européenne était celle du blocus continental pour empêcher l’adversaire britannique à commercer avec l’Europe en établissant un marché unique européen de 80 millions de consommateurs, réservé aux produits européens (et de fait, aux produits français). Economiquement encore, Napoléon entreprend la politique des grands travaux qui bénéficie certes essentiellement à la France, avec l’Arc de Triomphe comme emblème, mais aussi aux autres nations du continent. Les routes, les arsenaux, les canaux jalonnent plusieurs pays européens ainsi que des travaux de prestige comme l’arc du Simplon à Milan. De même que la fondation de l’Ecole normale de Pise, inspirée de sa sœur parisienne, a été fondée au temps de l’Empereur.
Il a donc imaginé et conçu une Europe militaire, protectionniste et interventionniste pour se défendre des puissances, loin de l’Europe désarmée, libre-échangiste et naïve face à la mondialisation.
L’Europe a aujourd’hui oublié cet héritage, alors qu’elle s’est construite non par la guerre mais par la coopération civile. Comme si elle se refusait à toute idée de puissance, elle s’interdit la possibilité d’une armée. Le seul exemple de ce qui pourrait y ressembler sont les « groupements tactiques de l’Union européenne », qui n’ont jamais été déployés en quinze ans d’existence, ce qui nous prive d’une force capable d’agir de façon autonome des Etats-Unis face à la menace.
Au plan économique, elle ne se conçoit pas comme une puissance – ni même comme un acteur – mais comme un marché auxquelles s’appliquent des règles de concurrence qui empêchent la création de champions européens, comme nous l’avons constaté en 2019 avec l’échec de la création d’un « Airbus de l’énergie » entre le Français Alstom et l’Allemand Siemens, conduisant la France à céder la branche énergie d’Alstom aux Etats-Unis. De même que la politique d’austérité appliquée à la Grèce l’a menée à vendre à la Chine le port du Pirée. L’Europe ouvre à la Chine l’entièreté de ses 2 400 milliards d’euros de marchés publics quand la Chine en ferme la quasi-totalité à l’Europe.
Nous sommes les « idiots du village global » face au G2 « Chine-Amérique » qui en tire les profits industriels et technologiques.
Que dire des grands travaux et de la politique d’investissement ? Les Etats-Unis ont débloqué un plan de relance qui s’élève à 1 600 milliards d’euros, tandis que le plan européen est de 750 milliards d’euros seulement. A cela s’ajoute une exécution au pas de charge sous l’impulsion de Biden alors que l’Europe fait trainer les dépenses dans les corridors de la Commission (les projets ne seront admis par le Conseil européen qu’au printemps avec deux décaissements par an jusqu’en 2026). Cette attitude nous coute cher sur les vaccins. En mégotant sur le prix, elle a laissé le Royaume-Uni s’emparer du AstraZeneca et du Johnson & Johnson, le Royaume-Uni ayant vacciné complètement 25 % de sa population contre 8 à 10 % en France et en Allemagne. Cette attitude nous empêche d’exister dans les combats de demain que sont les batteries, alors que la Chine et les Etats-Unis ont gagné la bataille du lithium-ion.
L’ordre international n’est pas un débat d’idées mais une foire d’empoigne. Si l’Europe ne le voit pas, elle sera effacée de l’histoire.
L’Europe de Napoléon avait des valeurs. Dans ce que l’Empereur appelait le « système européen », il intégrait l’idée d’égalité des droits, ce qui passait par l’exportation dans l’ensemble des pays conquis et administré du code napoléon – notre Code civil abolissant partout la féodalité. Il était aussi inspiré des idées des Lumières, imposant les jurés populaires et la publicité des procédures de justice. Il savait cependant bien que les valeurs ne s’imposent que par la force.
L’erreur de l’Europe est qu’elle voit le concert des Nations comme un échange où la parole la plus juste devrait l’emporter. L’ordre international n’est pas un débat d’idées mais une foire d’empoigne. Si l’Europe ne le voit pas, elle sera effacée de l’histoire. Elle doit se doter d’une armée à commandement unifié, rompre avec les règles sottes de concurrence et adopter une politique commerciale offensive et défensive de même qu’elle doit engager des investissements pour mener les guerres technologiques de demain.
Nos valeurs humanistes et notre civilisation brillante ne suffiront pas sans une politique de puissance, ce que Napoléon avait bien compris et que l’Europe doit assumer si elle ne veut pas devenir non plus « cosaque » mais chinoise ou américaine.