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Photo du rédacteurArthur Dehaene

Récompenser les métiers essentiels

Nombre de « héros du quotidien » que nous saluons chaque soir par nos applaudissements sont des travailleurs de la classe moyenne vivants de revenus modestes. Ils sont les « milieux de cordée » qui tiennent ensemble les cadres en télétravail et les salariés du tertiaire en chômage partiel. Par leur action dans les hôpitaux, les services publics et les chaînes logistiques, ils font un travail indispensable à la vie de la Nation.


Face à la pandémie, nous réalisons l'importance de ces fonctions intermédiaires : soigner, protéger, approvisionner. Or, malgré leur engagement, ces travailleurs n'ont pas le niveau de rémunération et de considération qu'ils méritent. Ils l'ont dit pendant la crise des Gilets jaunes. Ce malaise réapparaît de façon criante aujourd'hui.


Comment se fait-il qu'une infirmière en milieu hospitalier gagne à peine plus de 1 600 euros par mois en début de carrière ? Elle qui apporte de l'oxygène, réalise des perfusions, surveille des dizaines de patients par jour se trouve surexposée aux risques. Cela se ressent dans leur espérance de vie de 79 ans contre 85 pour la moyenne des femmes françaises. Comment se fait-il qu'un ouvrier qualifié, qu'il soit électricien, mécanicien automobile ou en maintenance ferroviaire, ne gagne que 2 200 euros par mois, soit 50 % de moins qu'en Allemagne ? Cette différence se vérifie aussi chez les caissières dont les salaires sont 15 % inférieurs à celui des caissières allemandes. Comment se fait-il que les enseignants, qui s'efforcent de garder le lien avec leur classe et de surpasser les inégalités entre les familles, soient aussi déconsidérés ? Un enseignant certifié qui tente de faire école à distance commence sa carrière à 1 800 euros, juste au-dessus du salaire médian.


La dévalorisation de la classe moyenne est, certes, liée à la mondialisation et au progrès technique qui créent un « effet de sablier » sur le marché du travail. Les professions très qualifiées se développent, les métiers peu qualifiés non-délocalisables aussi, mais les emplois intermédiaires se trouvent soumis à l'automatisation ou à la délocalisation. Ce phénomène est aggravé dans une France où les 35 heures, le coût et la rigidité du travail ont fragilisé la situation de ceux qui ne demandent qu'à travailler.

Pour ce qui est du secteur public, cela tient aussi à une hausse des dépenses administratives financées par le gel du point d'indice et une sous-valorisation des métiers au contact des usagers. Dans le milieu hospitalier, on compte 45 hôpitaux par million d'habitants, fondés sur le coûteux modèle généraliste, contre 25 dans les pays de l'OCDE. Plutôt que de faire un effort sur la structure et les modèles, nous avons réduit le nombre de lit et les ressources humaines. Ce constat vaut pour l'éducation nationale, qui compte 66 000 établissements contre 44 000 en Allemagne pour un nombre d'élèves supérieur et des enseignants parmi les mieux payés d'Europe.


Il y a urgence à récompenser le mérite et les efforts de ces « milieux de cordée » dont l'importance apparaît au grand jour. Une baisse massive de la CSG, impôt qui pèse sur le pouvoir d'achat en raison de son caractère non-progressif, doit être décidée envers les classes moyennes pour augmenter leur niveau de vie. Elle peut être financée par des efforts sur la gestion de l'État, des caisses de sécurité sociale et des collectivités. Plus durablement, la revalorisation des métiers doit être la promesse de hausses durables de salaires en autorisant par exemple les infirmières à vacciner sans prescription.

L'amertume est grande dans ces professions surexposées et injustement traitées. La politique des bas salaires menée depuis des décennies a laissé de côté ces métiers intermédiaires. Nous devons comprendre qu'ils sont les étages d'un ascenseur social devant relier les classes populaires aux classes supérieures et que dans cette crise si douloureuse, ils sont l'honneur de la France.


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