Pour la souveraineté écologique
Dernière mise à jour : 20 janv. 2022
Plaidoyer pour un référendum pour mettre les circuits courts plutôt que le libre-échange au cœur de notre modèle.
Emmanuel Macron a pris tout le monde de court. Il a annoncé ce à quoi personne ne s’attendait. Ni la majorité, ni l’opposition, ni ses propres ministres n’avaient vu venir l’idée d’un référendum. Et pas n’importe lequel puisqu’il s’agit d’une des 149 propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat. Il s’agirait de soumettre aux Français l’insertion suivante à l’article Premier de notre Constitution : « La République garantit la préservation de la biodiversité, de l’environnement et lutte contre le dérèglement climatique. ».
Comme chacun le sait, la défense de la planète est consacrée depuis 2004 dans notre texte fondamental par la Charte de l’environnement. Faire état une fois encore d’un objectif écologique constitutionnel est donc redondant. On peut cependant reconnaître la force symbolique qu’il y a à l’inscrire au premier article de notre Etat de droit. Là n’est donc pas le plus étonnant.
Le plus étonnant est qu’en matière écologique, Emmanuel Macron avait annoncé vouloir passer de la parole aux actes. Lors d’un débat sur la réforme des retraites à Rodez en 2019, il avait sermonné un étudiant qui l’accusait de ne faire « que des hashtags » pour l’écologie. Il lui avait fermement répondu :
« Ma génération qui est en responsabilité politique est la première qui a des choses à faire concrètes. On a rendu hommage à Jacques Chirac (…) qui a exprimé la conscience écologique. (…) Ce n’est plus le temps de la conscience (…). Nous, on doit prendre des décisions maintenant. ».
Une fois cet appel à l’action prononcé, il est curieux que ce son idée maîtresse soit une réécriture d’un article de droit. Cela nous fait revenir au même stade que le discours de Johannesbourg de Jacques Chirac en 2002 ou que la Charte de l’environnement. On peut espérer plus.
Car oui, un référendum écologique est une bonne idée. Il peut être salutaire à condition qu’il interroge la mondialisation qui depuis quarante ans a amené tant de casse politique, sociale et écologique. Il est l’acte souverain qu’il nous faut pour remettre le peuple et l’écologie en haut des priorités politiques. Depuis les années 1980, la mondialisation s’est imposée aux deux, faisant primer les marchés financiers et le libre-échange sur la souveraineté nationale et la protection de la Terre.
La France est un pays où tout ne s’achète pas. Un pays qui n’a jamais pensé que la mondialisation devait avoir raison des peuples et de la planète.
Le sentiment de dépossession des peuples devant la dégradation de l’environnement et celui qu’ils ont face à la hausse des inégalités et les bulles financières est le même : celui de n’être plus maîtres de leur destin. Dans ce mal-être, quoi de plus fort que le recours au peuple pour montrer que le politique et l’écologie sont au-dessus des marchés ? S’il est une chose que notre pays peut porter, c’est bien cela. Sa tradition de puissance publique et la beauté de ses paysages peuvent en faire un champion de l’écologie. Moquée au Etats-Unis et au Royaume-Uni pour son esprit anti-mondialisation, la France est un pays où tout ne s’achète pas. Un pays qui n’a jamais pensé que la mondialisation devait avoir raison des peuples et de la planète.
La France doit donc montrer au monde que la souveraineté écologique peut être un bouclier contre les injustices sociales et la dégradation de la planète. Tirant les leçons de notre dépendance à l’étranger au sujet des masques et des tests Covid, Emmanuel Macron avait lui-même défendu la relocalisation. C’est cela qui doit faire l’objet d’un référendum. Nous marchons sur la tête depuis quarante ans. Nous faisons venir du textile, de l’électronique et des produits industriels de Chine ou d’Inde par des tankers de marine marchande qui tournent au fioul. Avec ce régime, c’est la double peine.
Nous sacrifions les emplois, les usines, le tissu social et la confiance des peuples dans les institutions.
Nous sacrifions l’environnement, l’électricité chinoise venant à 70 % du charbon et de gaz et les transports maritimes internationaux générant 15 % des émissions mondiales de CO².
Alors qu’on oppose l’homme à l’environnement, on voit que la mondialisation sans contrôles fragilise l’un comme l’autre.
Un référendum doit avoir lieu sur les limites que nous voulons mettre au libre-échange. Ce référendum doit être promu par la France et organisé en Europe pour enfin changer les règles du jeu. Seul un acte aussi fort pourra arbitrer en faveur d’une fiscalité écologique et sociale aux portes de l’Europe. Seul un référendum pourra faire changer les règles de concurrence des traités européens et permettre la construction de grands champions de l’hydrogène, des transports et de l’énergie. Seul un référendum pourra mettre les circuits courts plutôt que le libre-échange au cœur de notre modèle. C’est comme cela que nous protègerons les personnes vulnérables et un environnement fragile.
Emmanuel Macron a pris tout le monde de court. Encore un effort pour changer non pas la Constitution mais de modèle économique pour remettre l’Homme et la Terre au-dessus des marchés.